Justice – Tribunal correctionnel d’Albi   Publié le 07/09/2018

À la barre du tribunal correctionnel d’Albi hier, un jeune homme de 23 ans, pâle, le regard vide, comme inanimé. Deux ans de prison dont 18 mois de sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans, annulation du permis de conduire et interdiction de le repasser pendant deux ans : même lorsque la présidente, Brigitte Schildknecht, lui notifie sa peine, Aymeric, 21 ans au moment des faits, reste figé, sans réaction. Le 16 avril 2017 vers 3 h du matin à St-Antonin de Lacalm, après un dîner bien arrosé chez son père et plusieurs bières au bar, Aymeric et sa jeune amie Huyen-Marion, remontent dans leur voiture et bouclent leur ceinture. Ils vivent ensemble depuis 8 mois et habitent à 2 km de là. Adoptée à l’âge de 11 mois, sa compagne est la fille unique de Lucien et Monique dont elle est le bonheur et la fierté. étudiante brillante en BTS, elle ne boit pas. Au retour des fêtes, c’est toujours elle qui conduit. Pas ce soir-là. Elle était trop fatiguée. «Elle s’est endormie dès qu’on a franchi la haie de la maison» témoignera Aymeric. Il dira que lui aussi se sentait un peu fatigué, «mais je ne me sentais pas saoul et on n’avait que 2 km à faire». Sa passagère dormait encore quand quelques minutes plus tard, sur la départementale 138, une voie toute droite, étroite, au milieu des champs, il va perdre le contrôle de sa voiture qui part en tonneaux sur 50 mètres et finit dans le pré, sur le toit. Quand les gendarmes arrivent sur place, le jeune homme est coincé. Les pompiers devront le désincarcérer. Il est gravement blessé avec trois vertèbres fracturées. Sa compagne gît sur la banquette arrière, face vers le sol, capuche sur la figure comme si elle dormait encore. Elle ne se réveillera jamais, morte dans la violence de l’accident. De la voiture, il ne reste rien d’identifiable. Les enquêteurs évoqueront une vitesse excessive avant de constater un taux d’alcool d’1,60 g par litre de sang pour le conducteur.

«Un projet de vie qui s’est effondré»

Homicide involontaire en conduisant sous l’empire d’un état alcoolique, vitesse excessive : «une tragédie qui porte tout le poids de l’inconscience de la jeunesse… il n’a pas voulu ça mais il est responsable de cette mort» assène Aude Cousinier, substitut du procureur, en requérant deux ans de prison dont un an de sursis, trois ans de mise à l’épreuve, l’annulation du permis de conduire et l’interdiction de le repasser avant trois ans.

Serrés l’un contre l’autre au premier rang, les parents de Huyen-Marion ne respirent plus. Lui est en arrêt de travail depuis un an; elle, souffre de «dépression majeure» décrit leur avocate en demandant une expertise pour évaluer leur préjudice : «C’était leur fille unique. Pour eux, c’est un projet de vie qui s’est effondré… Il a fait un choix, prendre le volant ; ça a tué quelqu’un». Et l’avocat de l’accusation de demander une peine exemplaire. «L’exemplarité ne sert à rien. Il n’a aucun antécédent. Il dit qu’il n’y a pas une nuit, pas un jour où il ne pense à elle, écrasé par sa responsabilité, sa culpabilité. Bien juger, c’est comprendre. Quelle que soit la sanction il l’acceptera», plaide la défense, en contestant, faute de preuve, une vitesse excessive.

«Je suis repassé plusieurs fois sur cette route pour essayer de comprendre. Peut-être que je me suis endormi, je ne sais pas. C’est aussi possible qu’un animal ait traversé. Il n’y a pas de raison que je parte en tonneaux» ressasse à la barre un jeune homme hébété : «j’aurais dû rejoindre mon amie». «Vous voulez dire mourir avec elle» interroge la présidente ? «Non, mourir à sa place».

 

la dépêche du midi